Ruggero Giangiacomi

Pittore

Il vit et travaille a Rabat et passe de longues périodes a Essaouira pour l'étude et le travaii. Il a fait ses études a Rome, où s'est effectuée sa maturation artistique pendant les années 50, en participant a l'intense activité de /'Eco/e roma/ne. Très jeune, il s'impose a l'attention de la critique, en participant aux expositions les plus importantes, et en préparant des accrochages personnelles. Pendant ces années, il a eu la possibilité d'explorer toutes les techniques, pour satisfaire son besoin de nouvelles expérimentations. Depuis lors, ses oeuvres ont commencé a figurer dans d'importantes collections. Après son établissement a Milan, il commencé a se rapprocher des arts appliqués, renongant a l'activité artistique pure. Il s'est consacra a l'étude et a la recherche de matériaux différents (verre, bois, céramique) avec le désir d'atteindre la perfection formelle dans leur utilisation. Il a dessiné et réalisé des objets où le style et la ligne étaient chargés de fonder l'essentiel. Il devient ensuite le moteur créatif d'une entreprise qui, a la fin des années 80, a domine le marche mondial pour la qualité de ses produits. Il a réalisé des expositions fameuses lors des plus importantes manifestations dans ce secteur, tant en Italie qu'à l'étranger. Les années de sa maturité le voient engagé encore une fois dans un retour decide a ses origines. Il réalisé un grand nombre de pièces uniques en céramique, où se réunissent technique et contenus artistiques. Il renoue avec le succès des galeries en faisant de nombreuses expositions personnelles. Cette sorte de deuxième jeunesse coincide avec l'épanouissement de son amour pour le Maroc et son peuple, qui donne une nouvelle impulsion a ses oeuvres. Son importante exposition de céramique réalisée en 1991 a l'Hotel des Iles d'Essaouira est suivie d'une intense période de manifestations qui le trouvent occupé dans d'autres villes de ce Pays. Le caractère péremptoire de ses oeuvres le ramène a Pexaltation des années 50 qui l'ont vu, jeune homme de vingt ans, dialoguer d'égal a égal et en protagoniste, avec les Maftres déjà affirmés de /'Eco/e roma/ne, qui était alors au sommet de sa splendeur creative et prepositive. Au long de l'année 1997, après une sèrie d'expositions importantes consacrées c»i Maroc qui ont circulé dans les principales villes du Pays, il a participé a la création de la Pinacothèque d'Essaouira, en faisant au Musée de la ville une donation de quelques unes de ses oeuvres récentes. Ce geste a entraTné une sèrie de réactions positives qui lui ont valu l'attention des mèdia et de la critique. Pour cette année il prépare, avec l'aide des organismes publics italien, frangais et marocain, une exposition dont le point culminant sera Paris, et qui sera sa contribution a l'année du Maroc en France.

"RENDRE LA COURTOISIE"

Le Musée d'art marocain contemporain de Tanger a decide, dans le cadre de la diversification de ses activités, d'inviter une exposition personnelle de Ruggero Giangiacomi, en accord avec le Ministère des Affaires Culturelles et PAmbassade d'Italie. Qu'est-ce que cela signifie: pour le Musée et la peinture marocaine, pour son invite, et avant toute chose, pour le public ? La peinture marocaine c'est, tout d'abord et surtout, la galerie de ceux, prestigieux et reconnus, que le Musée a présentés lors de son exposition inaugurale. Qu'on nous excuse de ne pas les citer. Mais ne doutons pas que Ruggero Giangiacomi soit sensible a l'invitation de venir exposer parmi eux et a leur suite, et que, plus encore qu'un honneur, il y voie un plaisir qui lui est ainsi fait. La peinture marocaine, c'est également la galerie, aussi abondante et prestigieuse, de celle qui s'est faite au Maroc, gràce au Maroc, et pour lui. C'est celle qui réunit, entre bien d'autres, le témoignage a la fois journalistique et orientalisant de Biseo et Ussi, la visite patiente et émerveillée de Delacroix, la passion méditerranéenne de Matisse, l'enracinement de Jacques Azéma, la lumière unique, rendue au Maroc, de Jacques Majorelle. Cette peinture-là, c'est la galerie de ces artistes de toutes disciplines qui, de tout temps et particulièrernent au tournant de ces deux siècle, ont témoigné que la présence d'un étranger dans ce pays pouvait étre autre que coloniale ou prédatrice. C'est donc aussi celle des artistes qui, aujourd'hui, veulent échapper au risque et a la facilità de la présence touristique, passive et consommatrice. Sur cette question, Ruggero Giangiacomi s'est toujours rigoureusement exprimé et situé, attentif a tenir ce ròle tout aussi difficile et exigeant que celui de l'hòte : le róle de l'accueilli. Ce ròle, c'est évidemment en artiste qu'il le tient, conscient qu'il n'y a pas de différence fondamentale entre les rapports artistiques d'une part, et les rapports sociaux d'autre part, si ce n'est une différence d'exigence et d'excellence. Pour Ruggero Giangiacomi, ètre partie prenante dans ce rapport consiste a répondre a l'hospitalité par l'hommage. A contribuer a créer et maintenir cette relation, que au-delà des termes techniques ou vagues de "partenariat" ou d'échanges", il me permettra sùrement d'appeler du noble mot de courtoisìe. C'est a travers ce rapport ainsi definì de courtoisie entre lui et le pays, qu'il me semble qu'on peut rendre compte de la présence de Ruggero Giangiacomi au Maroc, et répondre a cette question que lui pose son honnèteté d'artiste : "Pourquoi suis-je ici ? Pour quoi faire ? Qu'est-ce, pour moi, qu'«étre au Maroc» comme on dit a la personne bien aimée "je suis a toi"?" Giangiacomi est donc au Maroc pour rendre le Maroc au Maroc. Mais le lui rendre enrichi, transfiguré par sa vision, son interprétation.

Autant eie toìles. autant de miroirs amoureusement tendus au pays bien aimé.

Jean-Albert Marcaine